ChinaZ.com, le 21 juin : Le tribunal Internet de Beijing a récemment jugé deux affaires emblématiques concernant l’utilisation d’un logiciel de « deepfake » à Beijing. Les plaignantes, Mme Liao et Mme Wu, mannequins de vidéos courtes de style chinois, accusent l’opérateur d’une application de « swap de visage » d’avoir utilisé leurs vidéos sans autorisation pour créer des modèles de « deepfake », proposés ensuite à la vente sur l’application, violant ainsi leurs droits à l’image et à la protection de leurs données personnelles.
Le tribunal a estimé que, bien que le défendeur ait utilisé les vidéos des plaignantes en utilisant une technologie de synthèse profonde pour remplacer les visages, cet acte ne constituait pas une violation du droit à l’image des plaignantes, car les vidéos modifiées ne permettaient plus d’identifier les plaignantes. Cependant, le tribunal a simultanément reconnu que le comportement du défendeur violait les droits des plaignantes à la protection de leurs données personnelles.
Le tribunal a souligné que les caractéristiques faciales et autres informations individualisées contenues dans les vidéos des plaignantes constituent des données personnelles. Le traitement de ces informations par le défendeur à l’aide de la technologie de « swap de visage » constitue un traitement de données personnelles. Le défendeur, n’ayant pas obtenu le consentement des plaignantes, a acquis et utilisé à des fins commerciales les données personnelles des plaignantes, constituant ainsi une violation.
En fin de compte, le tribunal a condamné le défendeur à présenter des excuses aux plaignantes et à leur verser des dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel. L’affaire est actuellement en appel, le jugement de première instance n’étant pas encore définitif.
Décision judiciaire :
Le défendeur a utilisé les vidéos des plaignantes, mais cela ne constitue pas une atteinte à leur droit à l’image
L’examen du tribunal a révélé que le défendeur n’a pas fourni de preuves concernant l’origine des vidéos utilisées pour les modèles. Compte tenu de la similitude entre le maquillage, la coiffure, les vêtements, les mouvements, l’éclairage et les transitions de plans des vidéos modèles et des vidéos des plaignantes, on peut conclure que le défendeur a utilisé les vidéos des plaignantes, en remplaçant les visages par la technologie de synthèse profonde, puis en les téléchargeant sur l’application incriminée en tant que modèles pour les utilisateurs. Cependant, cet acte n’a pas porté atteinte au droit à l’image des plaignantes.
Premièrement, les vidéos modèles de « swap de visage » ne sont pas identifiables au sens du droit à l’image. L’identifiabilité souligne que l’essence du portrait réside dans le fait qu’il désigne une personne spécifique. Un portrait reproduit par des moyens techniques doit permettre à un certain nombre de personnes de reconnaître l’identité de la personne représentée. Bien que, avec l’évolution du temps et des technologies, la protection du droit à l’image ne se limite plus au visage, elle doit néanmoins répondre à la définition légale de « représentation de l’apparence extérieure d’un individu spécifique identifiable », pouvant être mise en correspondance univoque avec une personne spécifique. Dans cette affaire, le visage des personnes apparaissant dans les vidéos incriminées a non seulement été supprimé, mais également remplacé. Essentiellement, la partie centrale identifiable de la vidéo a été remplacée par le portrait identifiable d’une autre personne, ce qui a diminué, voire détruit, la capacité de la vidéo incriminée à identifier les plaignantes. Le public peut directement identifier la personne du modèle et non les plaignantes, et il n’y a pas de correspondance univoque avec les plaignantes.
Deuxièmement, le défendeur n’a pas commis les actes définis par la loi comme constituant une atteinte au droit à l’image des plaignantes. Selon le Code civil, les atteintes au droit à l’image comprennent la création, l’utilisation ou la divulgation du portrait d’une personne sans son consentement, la défiguration, la dégradation ou l’utilisation de technologies de l’information pour falsifier le portrait d’autrui. Dans cette affaire, le défendeur n’a pas créé de vidéos contenant le portrait des plaignantes ; bien que le défendeur ait utilisé les vidéos incriminées des plaignantes, il ne s’agit pas d’une utilisation de leur portrait, mais d’un remplacement du visage permettant d’identifier les plaignantes, supprimant ainsi l’identifiabilité du portrait, puis en utilisant les éléments non personnels de la vidéo, à savoir le maquillage, les vêtements, la coiffure, la lumière, les transitions de plans, etc., pour obtenir un profit ; en outre, le défendeur n’a pas défiguré ou dégradé le portrait des plaignantes ; enfin, les actes du défendeur ne constituent pas une falsification du portrait des plaignantes.
Par conséquent, les actes du défendeur ne constituent pas une violation du droit à l’image telle que définie par la loi, et n’ont pas porté atteinte aux intérêts personnels et matériels des plaignantes liés à leur portrait.
Les actes du défendeur constituent une violation des droits des plaignantes à la protection de leurs données personnelles
Premièrement, les vidéos incriminées des plaignantes contiennent des données personnelles, notamment des informations relatives à leur visage. Les vidéos incriminées des plaignantes présentent de manière dynamique les caractéristiques faciales et autres caractéristiques individualisées des plaignantes. Grâce aux technologies numériques, ces caractéristiques personnelles peuvent être présentées sous forme de données, ce qui correspond à la définition de « informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable » prévue par la Loi sur la protection des données personnelles de la République populaire de Chine.
Deuxièmement, le défendeur a procédé au traitement des données personnelles des plaignantes. Premièrement, le défendeur est le responsable du traitement des données personnelles. Même si le défendeur a effectivement utilisé les services techniques d’une société tierce, cette société n’est qu’un prestataire de services techniques mandaté, le défendeur étant le donneur d’ordre du traitement des données, déterminant le mode et la portée du traitement des informations, et devant assumer la responsabilité du traitement des données personnelles. Deuxièmement, l’acte de « swap de visage » constitue un traitement de données personnelles. Le défendeur doit d’abord collecter les vidéos des plaignantes contenant des informations relatives à leur visage, puis remplacer le visage des plaignantes dans ces vidéos par le visage provenant des photos qu’il fournit. Ce processus utilise une technologie de reconnaissance faciale qui détecte les points clés du visage, puis fusionne les caractéristiques faciales correspondantes de l’image fournie sur le visage d’un personnage spécifique dans l’image modèle. L’image générée combine à la fois les caractéristiques de l’image spécifiée et les caractéristiques faciales du personnage dans l’image modèle. Ce processus de synthèse ne consiste pas simplement à remplacer, mais nécessite la fusion des caractéristiques de la nouvelle image statique avec certaines caractéristiques faciales, expressions, etc., de la vidéo d’origine grâce à un algorithme, afin que la vidéo modèle de remplacement soit naturelle et fluide. Ce processus implique la collecte, l’utilisation et l’analyse des données personnelles des plaignantes. Par conséquent, le processus de création de vidéos modèles de « swap de visage » constitue un traitement des données personnelles des plaignantes.
Troisièmement, les actes du défendeur ont porté atteinte aux droits des plaignantes à la protection de leurs données personnelles. Le traitement automatisé des données personnelles présente souvent des caractéristiques de confidentialité. Par conséquent, la loi accorde aux personnes le droit d’être informées et le droit de décider du traitement de leurs données personnelles afin de prévenir les risques de fuite et d’abus. Bien que les vidéos incriminées des plaignantes soient des vidéos publiques, la mention « non autorisé à aucun logiciel payant » dans la description du compte ne devrait pas laisser supposer que les plaignantes ont consenti au traitement de leurs informations faciales par des tiers. De plus, le défendeur a acquis des vidéos contenant des informations faciales des plaignantes, utilisé la technologie de synthèse profonde émergente pour les analyser et les modifier, puis les a utilisées à des fins commerciales, ce qui pourrait avoir un impact important sur les droits des plaignantes, et il devrait obtenir leur consentement conformément à la loi. Le défendeur n’a pas prouvé avoir obtenu le consentement des plaignantes, constituant ainsi une violation des droits des plaignantes à la protection de leurs données personnelles.